Je fais un don

    L’Actu vue par Remaides : « Supprimer l’AME : « une très mauvaise idée » selon le Pr Rémi Salomon (AP-HP) »

    • Actualité
    • 30.09.2024

     

    image avion barbelé

     

    Par Jean-François Laforgerie et Fred Lebreton
     

    Supprimer l'AME : "une très mauvaise idée" selon le Pr Rémi Salomon (AP-HP)

    Ces dernières semaines ont été marquées par des informations concernant les droits des personnes étrangères. On notera une nouvelle défense de l’AME par le Pr Rémi Salomon (AP-HP). Ce dernier estime que sa suppression, demandée par la droite et l’extrême-droite, serait « une très mauvaise idée ». En Europe, on se dirige dans certains pays vers un durcissement du droit d’asile. Ainsi, les Pays-Bas demandent une dérogation aux règles de l’UE en matière d’asile. La situation du droit d’asile en France, on la découvre avec le rapport d’activité 2023 de l’Ofpra. Côté politique, Marine Le Pen a été condamnée pour diffamation envers La Cimade. La rédaction de Remaides fait le point sur l’actu sur les droits.

    Contre la suppression de l'AME : le Pr Rémi Salomon (AP-HP) monte au front

    Le message est clair. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que cette figure de l’AP-HP le dit. La suppression de l'aide médicale d'État (AME) « est une très mauvaise idée », a indiqué, mercredi 18 septembre, le Pr Rémi Salomon, président de la Conférence médicale d'établissement de l'AP-HP. Si cet appel au maintien de l’AME intervient une nouvelle fois, c’est parce qu’il semble que dans le cadre des futurs débats budgétaires ; la droite envisage, une fois, encore d’en faire la proposition comme piste pour « réduire les dépenses dans le prochain budget ». Certains-es parlementaires et responsables LR proposent à nouveau la suppression de l'AME, réservée aux personnes étrangères sans titre de séjour, au profit d'une aide médicale d'urgence beaucoup plus restreinte. C’est d’ailleurs la reprise d’une mesure de l’extrême droite, portée à chaque échéance électorale. Dans une récente interview accordée à France Info (18 septembre), le Pr Rémi Salomon explique être totalement opposé à cette suppression pour « trois raisons ». « D'abord éthiquement, ce n'est pas recevable. Dans le serment d'Hippocrate, on soigne tout le monde. Il n'y a pas de sélection en fonction de quelques considérations ethniques, sociales, économiques, on soigne tout le monde. C'est le premier point et il est très fort », explique-t-il. La deuxième raison est l’intérêt de cette mesure « sur le plan de la santé publique ». « Un certain nombre de personnes peuvent avoir des maladies infectieuses transmissibles, et si on ne les prend pas en charge tôt, ils vont contaminer leur entourage ». Dernier argument : les conséquences économiques de cette éventuelle suppression. Et le Pr Rémi Salomon d’expliquer : « Les patients, si on ne les prend pas en charge tôt, leur état de santé va se dégrader ; ils vont arriver à l'hôpital dans des situations compliquées avec des prises en charge beaucoup plus complexes, dans des hôpitaux parfois en tension ». « Nous, soignants-es, nous refusons de limiter les soins », sans pour autant affirmer clairement qu'ils-elles désobéiront. « On fera tout pour soigner et respecter le serment d'Hippocrate », prévient le président de la CME de l'AP-HP.

    Asile : Les Pays-Bas demandent une dérogation aux règles de l'UE

    Les Pays-Bas ont annoncé mercredi 18 septembre avoir demandé à Bruxelles une dérogation aux règles de l’Union européenne sur le droit d’asile, quelques jours après que la coalition au pouvoir a dévoilé les mesures d’immigration les plus strictes jamais prises dans le pays. « Je viens d’informer la Commission européenne que je souhaite un « opt-out » (une dérogation) en matière de migration en Europe pour les Pays-Bas », a déclaré Marjolein Faber, ministre de l’Asile et de la Migration, du parti d’extrême droite PVV.  « Nous devons à nouveau nous occuper de notre propre politique d’asile ! », a-t-elle martelé sur X, indique l’AFP.  Le gouvernement néerlandais, investi en juillet promet de lancer cette procédure depuis plusieurs mois. Une dérogation « ne peut être réalisée qu’en modifiant » les dispositions européennes fondamentales, a déclaré le Conseil consultatif néerlandais sur la migration, soulignant que les 27 États membres de l’UE devaient accepter cette décision. Le Danemark a négocié un accord visant à exclure le pays des politiques d’asile communes de l’UE. La demande néerlandaise intervient quelques jours après que le Premier ministre Dick Schoof a dévoilé les mesures d’immigration les plus strictes jamais prises dans le pays, en raison de ce qu’il a qualifié de « crise de l’asile ».

    Demandes d'asile : le rapport d'activité 2023 de l'Ofpra

    Le rapport d’activité 2023 de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) est sorti courant septembre. Il livre des données importantes. En 2023, 142 649 demandes d’asile introduites (+ 8,7 % par rapport à 2022) ont été introduites. L’Afghanistan est resté le pays de provenance des demandeurs-ses d’asile le plus représenté, avec 17 550 premières demandes. Il est suivi du Bangladesh (8 568 demandes), de la Turquie (8 447 demandes), de la RDC (7 980 demandes) et de la Guinée (6 987 demandes). Si on regarde les demandes en provenance de personnes venant des Amériques : 4 186 demandes concernent Haïti ; 1 601 demandes concernent la Colombie ; 933 demandes concernent le Venezuela ; 422 le Pérou et 396 la République dominicaine. L’Ofpra note également une augmentation des demandes en provenance de l’Ukraine (+ 73 %), du Soudan (+ 77 %), de la République démocratique du Congo (+ 34 %) et de Haïti (+ 45 %), et l’explique par la « la violence aveugle [qui s’exerce, ndlr] sur certaines parties de ces États » et « expose la population aux persécutions ». Reprenons les chiffres de 2023 : 142 649 demandes de protection internationale dont 142 184 demandes d’asile et 465 demandes de statut d’apatride ; 124 056 premières demandes d’asile dont 90 422 concernent des personnes majeures et 1 329 des mineurs-es non accompagnés-es et 32 305 des mineurs-es accompagnés-es ;  18 453 demandes de réexamen et 140 demandes de réouverture de dossiers clos. Concernant, la protection à l’Ofpra : 60 895 personnes ont été protégées en 2023, avec une estimation cumulée de 599 436 personnes protégées au 31 décembre 2023.

    Demandes d'asile comparées en France et en Europe

    En 2023, plus de 1,1 million de personnes ont demandé l’asile dans les États membres ou États associés à l’Union européenne (UE+), ce qui représente une augmentation de 18 % par rapport à 2022, avec des chiffres équivalents aux années 2015-2016 au moment de la crise migratoire. La France fait partie des trois principaux pays de destination, avec environ 167 000 demandes introduites sur son territoire, ce qui la situe après l’Allemagne (334 000 demandes) et devant l’Espagne (162 500 demandes). De son côté, Chypre est resté le pays avec la « pression par habitant » la plus élevée (1/78 habitants-es). Ces chiffres s’ajoutent aux 4,4 millions de personnes ayant fui l’Ukraine qui bénéficiaient de la protection temporaire dans les pays de l’UE+ en 2023. Sur ce point, avec respectivement 1,2 million et 1 million de bénéficiaires de la protection temporaire, l’Allemagne et la Pologne étaient les principaux pays d’accueil de cette population, alors que la République tchèque a accueilli le plus grand nombre de bénéficiaires de la protection temporaire par habitant (1/29 habitants-es).

    Concernant la situation en France : L’Île-de-France accueille toujours le plus grand nombre de primo-demandeurs-ses d’asile mais dans des proportions moindres qu’auparavant (27,6 % contre 31,4 % en 2022). Suivent les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Grand Est qui continuent de représenter environ 10 % des demandeurs-ses et les régions Nouvelle-Aquitaine, Occitanie et Provence-Alpes-Côte d’Azur qui totalisent entre 6 et 7 % de ceux-ci. Les augmentations les plus importantes, bien supérieures à celle de la demande, concernent essentiellement l’ouest de la France : + 17,6 % en Normandie, + 31,3 % en Bretagne et + 32 % dans les Pays de la Loire. La majorité des primo-demandeurs-ses d’asile sont de sexe masculin, quand bien même leur part continue de décroître (61,5 % contre 64 % en 2022). Les majeurs-es représentent toujours 74 % du total des primo-demandeurs-es et il est à noter que si les demandes des mineurs-es non accompagnés-es restent faibles (1 329 premières demandes), elles ont augmenté de pratiquement 36 % en un an. Les personnes célibataires représentent pratiquement la moitié des primo-demandeurs-ses et ceux-celles qui sont en couple au moment de l’introduction de la demande de protection représentent 45,2 %. L’âge moyen des primo-demandeurs-ses majeurs-es, stable, s’établit à 33 ans. L’écart entre les sexes s’accentue un peu : 32,1 ans pour les hommes et 35,3 ans pour les femmes. L’Ofpra indique que la « demande d’asile outre-mer a progressé de façon très sensible en 2023, passant de 8 473 à 10 957 demandes, soit une augmentation de plus de 29 % ». Les départements de la Guyane et de Mayotte concentrent à eux seuls 87 % de la demande. La part des réexamens outre-mer reste très importante (19,3 % contre 12,4 % en métropole), notamment en Martinique (49,4 %) et en Guadeloupe (24,5 %).

    La demande d’asile dans les départements français d’Amérique et à Saint-Martin
    « Dans les départements français d’Amérique, 85 % des primo-demandeurs résident en Guyane (contre 75,4 % en 2022), 12 % en Guadeloupe et à Saint-Martin, et 3 % en Martinique. En Guyane, 28 % des demandeurs sont haïtiens mais la diversification des nationalités observée en 2022 s’installe puisque 21 % sont syriens, 19 % afghans et 14 % marocains. En Guadeloupe, 88 % des demandeurs sont haïtiens, contre 55 % en Martinique », indique l’Ofpra.
    Dans son rapport, l’Ofpra a publié un focus sur la Russie (3 423 demandes d’asile en France). En 2023, 2 613 premières demandes, 802 demandes de réexamen et huit demandes de réouverture de dossiers clos ont été introduites par des ressortissants-es russes, ce qui représente une hausse totale de 30,8 % par rapport à 2022. Le taux de protection à l’Ofpra s’est établi à 26,9 % en 2023 (contre 34,3 % en 2022). Un des motifs des demandes est le fait d’appartenir à une minorité de sexuelle ou de genre. L’Ofpra a d’ailleurs analysé le phénomène. « Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022, les autorités russes diffusent une idéologie conservatrice anti-occidentale qui prend également pour cible les minorités sexuelles et de genre, déjà visées par plusieurs lois depuis 2013 et notamment par la loi « anti-propagande homosexuelle » de fin 2022, appliquée dès l’année suivante. La loi de juillet 2023 interdit, quant à elle, tout parcours de transition, tant au regard des traitements médicaux que du changement d’état civil, devenu désormais impossible pour ce motif. Le 30 novembre 2023, la Cour suprême de Russie a interdit le « mouvement LGBT » pour « extrémisme », ouvrant la voie à de nouvelles politiques répressives aussi bien contre les organisations LGBT+ que contre les personnes appartenant aux minorités sexuelles », explique l’Ofpra.
    Plus d’infos notamment sur les moyens de l’agence et la procédure d’instruction des demandes.

    Marine Le Pen condamnée pour diffamation envers la Cimade

    Marine Le Pen a été condamnée à 500 € d’amende avec sursis par la cour d’appel de Paris, mercredi 11 septembre 2024, pour diffamation publique envers la Cimade, une association d’aide aux migrants-es. Cette nouvelle décision confirme la condamnation déjà prononcée à son encontre en première instance. Lors d’un entretien diffusé sur BFMTV en janvier 2022. À la question : « Est ce que les associations humanitaires sont complices du délit d’entrée ? », la responsable d’extrême droite, qui était alors candidate à l’élection présidentielle d’avril 2022, avait répondu : « Parfois oui. Ils sont même complices des passeurs, oui, parfois. » Elle avait ensuite visé directement la Cimade, association engagée contre la xénophobie et l’exclusion des personnes immigrées, pour ses actions à Mayotte. « La Cimade organise en réalité la filière d’immigration clandestine en provenance des Comores » à Mayotte, avait-elle gratuitement déclaré. Elle avait enfin dénoncé les subventions versées aux associations, appelant à arrêter de verser des subventions « à des gens qui organisent quelque chose qui est illégal ». Elle avait été reconnue coupable des faits de diffamation publique envers un particulier, la justice estimant que les propos « ont dépassé la dose d’exagération possible dans le contexte dans lequel ils ont été prononcés » et que « les limites de la liberté d’expression [ont] été franchies ». Dans un communiqué, la Cimade dit accueillir « avec satisfaction la confirmation par la cour d'appel de Paris de la condamnation de Madame Marine Le Pen pour diffamation ». « Les discours mensongers visant à stigmatiser les associations et les personnes migrantes qu'elles accompagnent, pour attiser ainsi les tensions sociales et les violences, ne peuvent être distillés en toute impunité. Il est heureux que la justice l'ait reconnu à travers cette condamnation pour diffamation », poursuit le communiqué de la Cimade qui conclue : « La Cimade se mobilisera pour défendre la vérité chaque fois que cela sera nécessaire, et en particulier contre les mensonges de l'extrême-droite. De la même manière, elle continuera avec détermination à défendre le respect des droits et de la dignité de tous-tes les habitants-es de Mayotte ».

    Loi Asile Immigration : un publication des décrets in extremis

    La veille de la démission du gouvernement Attal, plusieurs décrets d’application de la loi Asile et Immigration ont été publiés, mardi 15 juillet, au Journal officiel ; cela n’aurait plus été possible une fois le gouvernement considéré comme démissionnaire. La publication de ces décrets intervient donc juste avant l’unique Conseil des ministres post-législatives et près de six mois après la promulgation de cette loi controversée et partiellement retoquée par le Conseil constitutionnel. Désormais, toute personne étrangère sollicitant un titre de séjour en France devra s’engager, via un contrat, à respecter « les principes de la République », précise l’un des décrets.  Sont concernés « la liberté personnelle, la liberté d’expression et de conscience, l’égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République, l’intégrité territoriale, et la laïcité ». La signature de ce contrat conditionne la délivrance du document de séjour et son signataire « peut se voir refuser le renouvellement de son document ou se le voir retirer en cas de manquement caractérisé à l’un de ces principes », précise le décret.
    Un autre décret renforce le dispositif de refus ou de cessation « des conditions matérielles d’accueil » des personnes demandeuses d’asile — hébergement et allocations — et supprime le « recours administratif préalable obligatoire » en cas de refus des « conditions matérielles d’accueil ». Une amende administrative est, par ailleurs, créée pour sanctionner l’emploi de ressortissants-es étrangers-ères non autorisés-es à travailler, remplaçant les contributions spéciales et forfaitaires appliquées jusqu’à présent.  L’« édiction d’une obligation de quitter le territoire français » (OQTF) doit, quant à elle, intervenir dans un délai de 15 jours « suivant l’information de l’autorité préfectorale de l’expiration du droit au maintien du demandeur d’asile, sous réserve de la délivrance d’un titre de séjour ».
    Comme le souligne l’AFP, un autre décret, publié le 14 juillet, portait, lui, sur la réforme de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) voulue par le gouvernement. Elle prévoit une décentralisation en plusieurs chambres territoriales et la généralisation d’un-e juge unique.  Fortement contesté par la gauche et les militants-es des droits humains qui dénoncent un texte « inhumain » et « arbitraire », le projet de loi Asile Immigration a été définitivement adopté par le Parlement en décembre 2023. Trente-cinq de ses articles ont été par la suite totalement ou partiellement censurés par le Conseil Constitutionnel, avant que la loi soit in fine promulguée le 26 janvier. « Que ce soit le droit d’asile ou le contrat d’engagement républicain ou les procédures d’expulsion plus expéditives, il y a énormément d’aspects restrictifs » dans les décrets publiés, relève, auprès de l’AFP, Serge Slama, professeur de droit public à l’université Grenoble-Alpes, pointant une « régression d’ampleur » du droit d’asile.  Ces derniers mois, la question de cette loi — et plus généralement la question de l’immigration, poussée par l’extrême droite — s’est invitée au cœur des débats à l’occasion des élections européennes et législatives. Le parti présidentiel avait assuré, à cette occasion, qu’il « continuerait » d’expulser « tout étranger délinquant ou radicalisé qui représente une menace à l’ordre public ».  Le Nouveau Front populaire (NFP) a, lui, promis, en cas d’arrivée au pouvoir, d’abroger ce texte et s’est engagé à « garantir un accueil digne ». « Il est consternant que le gouvernement s’obstine dans la voie qu’il a choisie en décembre dernier », a réagi (16 juillet) auprès de l’AFP Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS). « Il faut que l’ensemble des dirigeants politiques prennent la mesure de l’impasse dans laquelle se trouve la politique migratoire et de ce que cela provoque pour les personnes concernées ».