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    L'Actu vue par Remaides : Soignants-es : mobilisation inédite contre l’extrême droite

    • Actualité
    • 28.06.2024

    MDM

    © Ophélie Levasseur

    Par Jean-François Laforgerie 

    Soignants-es : mobilisation inédite contre l'extrême droite

    Un collectif de soignants-es (tous métiers et secteurs confondus) et Médecins du Monde ont décidé de prendre position dans le contexte politique du moment et souhaité fédérer leurs voix autour des principes de la déontologie, de l’éthique et de la santé publique face aux menaces que représentent les politiques d’extrême-droite d’un point de vue général et dans le domaine de la santé. Un texte d’appel, soutenu par AIDES, a reçu des milliers de signatures. Un rassemblement était organisé le 27 juin à Paris pour expliquer cette initiative. L’équipe de Remaides y était.
     

    Blouses blanches contre "chemises brunes"?

    Cette mobilisation des professionnels-les de santé, tous corps de métiers (infirmiers-ères, médecins, sage-femmes, aides-soignants-es, psychologues, chirurgiens-nes-dentistes, etc.), tous secteurs et domaines confondus (en libéral, à l’hôpital, en centre de santé, en protection maternelle infantile, dans les permanences d’accès aux soins de santé, dans les structures de prévention, au sein d’associations, etc.) suscite intérêt, mobilisation et discussion. En témoigne un article, publié le 26 juin par le Quotidien du Médecin, qui entend ouvrir le débat : « Tribune anti-RN : les médecins sont-ils dans leur rôle en donnant des consignes de vote ? » En effet, en amont du premier tour des élections législatives anticipées décidées par Emmanuel Macron à l’issue des élections européennes, plusieurs milliers de médecins et de professionnels-les de santé sont sortis-es de leur réserve pour signer une tribune appelant à faire barrage au Rassemblement national et à voter pour les candidats du Nouveau Front populaire.
    « Pour justifier leur position, ces soignants se placent sur le terrain de la santé publique et de la cohésion sociale mises en danger, selon eux-elles, par la politique de préférence nationale prônée par l’extrême droite » et ses alliés-es, explique le quotidien médical. Et celui-ci de lancer le débat : « Ces médecins outrepassent-ils leur devoir de réserve ? Sont-ils dans leur rôle en alertant sur les risques qui pèseraient sur la santé publique ? Les médecins peuvent-ils s’exprimer au même titre que n’importe quel citoyen ? Faut-il fixer des limites ? Lesquelles ? À vous de débattre… ».
    On comprend bien l’intérêt à débattre de ces questions d’un point de vue éthique et intellectuel, mais certains-es professionnels-les de santé semblent y avoir déjà réfléchi et ont déjà tranché dans un contexte d’urgence… puisque le premier tour de ces législatives surprises se déroulera dimanche 30 juin.

    "La politique du bouc-émissaire est une folie"

    Manifestement, ils-elles n’ont pas le sentiment d’outrepasser leur « devoir de réserve ». Ils-elles sont d’ailleurs nombreux-ses à participer à un rassemblement à Paris (27 juin), pour faire entendre leurs voix et mettre en avant leur choix de défense de l’accès universel à la santé. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si sur l’écran de l’amphithéâtre E de la salle de la faculté de médecine Sorbonne université, on peut lire ceci : « Nous nous engageons à protéger la santé de toutes les personnes qui le nécessitent sans distinction et à ne jamais renoncer à notre serment et à notre éthique ».
    Ce rassemblement a pour objectif de faire connaître le texte d’appel (voir le texte intégral ci-dessous), déjà signé par plusieurs milliers de professionnels-les du soin, de revenir sur le contexte actuel et ses enjeux, notamment en donnant la parole à différents-es professionnels-les du soin ; charge pour elles-eux d’illustrer les conséquences possibles dans le champ de la santé d’une arrivée de l’extrême droite aux manettes.
    Cardiologue hospitalier, le Dr Olivier Milleron a souligné que ce rassemblement, aujourd’hui mis en œuvre, était une bonne chose, mais que cette initiative était née d’un « échec » ; celui de ne pas avoir réussi à faire parler de la santé, des politiques publiques de santé publique, de l’hôpital durant cette campagne, certes éclair, mais campagne tout de même. « Comment expliquer que le débat sur la protection sociale se limite dans la campagne actuelle à un débat sur la réduction voire la suppression de l’AME ? ». Le médecin affiche aussi sa déception de voir que les enjeux sur le sort de l’hôpital public « maltraité depuis plus de 20 ans », aient été balayés du tableau. Stupéfaction aussi de voir que la colère d’une grande partie de l’opinion publique soit dirigée contre les personnes étrangères et pas contre les décideurs-ses, les politiques qui ont conduit à la situation actuelle du système de soins en France. Pour Olivier Milleron, les « soignants ont perdu la bataille des idées » (on espère que ce ne sera que temporaire). Et le médecin de rappeler, qu’en matière de santé, mais pas seulement, la « politique du bouc-émissaire est une folie ».

    "Le malheur des uns fera la détresse des autres"

    Médecin généraliste (MCU à Paris Sorbonne Université), Julie Chastang a choisi de mettre en exergue le cadre atypique de cette mobilisation. « Nous avons besoin de nous unir, d’allier nos forces pour lutter contre les restrictions d’accès aux soins [qui surviendraient avec la mise en place de politiques d’extrême droite] », a-t-elle expliqué. « L’heure est grave. Nous avons le devoir de garantir l’accès aux soins de toutes et tous ». Toutes et tous, ce sont les personnes de sa patientèle qu’elle a évoquées. Des patients-es, dont elle a respecté l’anonymat et le secret médical, et dont elle a évoqué la situation. Des personnes qui ne pourraient plus prendre soin de leur santé, alors que leurs besoins sont réels si l’AME était supprimée. Elle a réaffirmé qu’il était indispensable que les soignants-es se fédèrent autour de la déontologie et de l’éthique face aux politiques d’extrême droite. Et si « l’impensable se produit », nous « devrons allier nos forces pour nous organiser pour la suite ». Olivier Milleron n’avait pas dit autre chose quand, dans son intervention d’ouverture, il préconisait de réfléchir à « s’organiser pour continuer à soigner selon nos principes et nos valeurs ». Anne-Laure Feral-Pierssens est médecin urgentiste, praticienne hospitalière dans le service des urgences de l'hôpital Avicenne et au SAMU 93 (Bobigny). Dans son intervention, elle a rappelé les « menaces sur le risque d’aggravation de la situation déjà tendue dans les services d’urgences » si les mesures d’extrême droite étaient mises en œuvre. Elles sont de deux ordres. L’une est la fin de l’AME qui éloignerait de nombreuses personnes du soin, notamment celles suivies pour des pathologies chroniques ; leur état de santé s’aggravant, elles finiraient aux urgences déjà surchargées. L’autre concerne les soignants-es puisque l’extrême droite est partie en boucle sur les binationaux-ales et l’interdiction d’accès à certains « emplois extrêmement sensibles ». Et si ce concept raciste s’appliquait à la santé ?
    « Quand le RN dit que les binationaux ne pourraient pas exercer des fonctions sensibles, est-ce à dire qu’ils élimineraient aux binationaux la possibilité d’exercer [dans] le soin ? se demandait récemment dans une de ses vidéos, le docteur Jérôme Marty, président de l’UFML-S. Rappelons que nos hôpitaux périphériques ne tiennent que grâce aux Padhue [les médecins à diplôme étranger hors Union européenne, ndlr], très présents, là pendant la Covid, là avant, là après, et dont la situation n’a toujours pas été régularisée » .Et Jérôme Marty de conclure dans sa vidéo : « Ne détruisons pas notre système de santé par une vengeance personnelle contre les politiques menées par tel ou tel gouvernement pour sombrer dans l’extrémisme de droite. » Anne-Laure Feral-Pierssens a rappelé tous les efforts faits depuis des années « pour garder l’hôpital [public] et la tête des patients hors de l’eau » et qui seraient balayés avec l’arrivée de l’extrême droite. Elle a parlé de cette « promesse terrible et malhonnête » qui consiste à faire croire que s’en prendre aux étrangers ne se fera pas au détriment de la communauté dans son ensemble. C’est tout le contraire. « Le malheur des uns fera la détresse des autres », a-t-elle expliqué. Infirmière au centre hospitalier de Saint-Denis, Yasmina Kettal, qui prend en charge des personnes usagères de drogues s’est interrogée (et a mis en garde) sur les conséquences de l’arrivée de l’extrême droite et de son idéologie sur des groupes déjà fragilisés. Pour elle, « l’extrême droite au pouvoir, ce n’est pas un renoncement, mais une bascule ». Elle a aussi rappelé que cette menace venait se superposer à un contexte de casse de l’hôpital public déjà à l’œuvre, au risque d’intensification des renoncements éthiques dont certains ont déjà cours, de conditions de travail de plus en plus difficiles pour les soignants-es.
    Côté usagers-ères du système de soins, Sidi-Mohammed Ghadi, patient expert et vice-président de France Assos Santé, a fait part de sa « peur » et a rappelé que la place des usagers-ères était aux côtés des soignants-es pour défendre le système de santé et le respect des valeurs et principes qui y ont cours.

    "Le but de la domination est de transformer une personne en une chose"

    Fondateur de La fabrique des soignants, un média en direct sur les métiers du soin qui entend rétablir le dialogue et la cohésion entre les acteurs-rices de santé, Kendrys Legenty a fait une très forte intervention ; une intervention axée sur les menaces contre les personnes étrangères et racisées, mais aussi celles contre les minorités de genre et sexuelles ; sachant qu’on peut appartenir en même temps à différents groupes. La seule intervention qui ait fait allusion à la lutte contre le sida. « À un jour près, j’ai 27 ans. Mon rapport au soin est à la fois viscéral et ample. J'ai connu, pendant quelques années, les études de médecine, suffisamment pour comprendre l'exigence et la dévotion qu'elles impliquent. J'ai connu l'aidance, et la confrontation qu’elle impose face à l’impuissance de voir un père dépérir. Et je connais le travail âpre de la maladie dans sa propre chaire et sa propre psyché. J’ai compris que la maladie est une bifurcation dans la vie ; une qui nous ramène à un état d'être vulnérable comme un rappel brutal de notre fragilité humaine, parfois belle ; souvent terrible », démarre Kendrys Legenty. « Mais quand est-il quand la maladie touche des êtres rendus déjà vulnérables par la société, en raison de leur couleur de peau, de leur origine, de leur désir d’amour et de leur genre ? Bell Hooks, l’une des plus grandes penseuses féministes et activistes, a dit : « Le but de la domination est de transformer une personne en une chose, de nier son humanité. » 

    C'est cette déshumanisation, cette recherche de domination, que nous devons combattre, et qui sont aujourd’hui portées en valeur par l’extrême droite. Cette dernière cherche par son idéologie et ses politiques à diviser et à marginaliser ces groupes, en niant leur droit fondamental à une vie digne et respectée. Mais il faut aussi que l’on soit critique vis-à-vis de ce que le soin et son système ont fait à ses personnes vulnérables. En effet, le champ médical, historiquement, n'a pas toujours été un espace de refuge et de soin pour tous. Le mot « race », par exemple, a souvent été utilisé pour justifier des traitements inégalitaires et des abus. Je  pense aux femmes noires utilisées comme cobayes pour des pratiques médicales. Je pense aussi aux populations en exil qui sont celles qui subissent les plus grandes inégalités de santé, exacerbées par des stéréotypes et des préjugés persistants. Leur accès aux soins est souvent entravé par des barrières linguistiques, des discriminations et des statuts administratifs précaires.
    La possible suppression de l’Aide médical d’État va dans ce sens.
    Ainsi l’État deviendrait un ennemi de la vulnérabilité ? »

    "La santé doit être politisée et devenir un guide pour notre démocratie et notre République"

    Le fondateur de La fabrique des soignants poursuit : « Les personnes LGBTQIA+ ont également une histoire marquée par la stigmatisation médicale. Jusqu'à récemment, l'homosexualité et la transidentité, encore plus récemment, étaient classifiées comme maladies mentales. Ce sont ces mêmes identités qui sont qualifiées « d’ubuesque » non pas en 1944, mais bien aujourd’hui, et ce, au plus haut de l'État. Et difficile de ne pas parler de la crise du sida, si marquante pour notre système de santé, et toujours présente, qui a révélé l'homophobie systémique, avec des politiques de santé publique tardives et inadéquates, aggravant la souffrance et la mortalité au sein de la communauté LGBTQIA+.
    Ces erreurs du passé, avec l’extrême-droite au pouvoir, émergerons à nouveau, certes sous une nouvelle forme, mais toujours avec cette volonté de condamner l’autre car il est autre.

    Peut-être que notre société a oublié que le soin, en son essence, est un compagnon fidèle de la vulnérabilité. Il ne s'agit pas seulement de traiter des symptômes, mais de reconnaître et de respecter la fragilité humaine. Le soin est un acte de présence, une manière de dire à l'autre : « Je suis là pour toi, dans toute ta complexité, dans toute ton histoire, et ta dignité ».

    Face à l'extrême-droite, nous devons combattre les mots de haine avec ceux de l’inclusion et du care. Nous devons reconstruire et défendre un système de santé solidaire ; c’est ce qu’on tente aujourd’hui ici — et que nous avons initié [lundi 24 juin, ndlr] avec une émission direct  réalisée par le média que je dirige : la Fabrique des soignants — mais pour y arriver, nous devons commencer par réhabiliter collectivement le mot « solidarité ». Une des pistes est sans doute de nous rappeler que nous sommes tous interconnectés. « Nous entrons tous dans le monde dépendants des autres, et nous quittons tous le monde dépendants des autres. Entre-temps, nous sommes interdépendants », disait Eva Feder Kittay, penseuse du care. La santé doit être politisée dans son sens le plus noble : elle doit devenir un guide pour notre démocratie et notre République. Rendre la santé accessible à toutes et tous implique également de rendre les formations plus inclusives, afin que chaque individu, indépendamment de son parcours d’existence, puisse aspirer à devenir soignant.
    Aussi, quelle éducation populaire pour la santé voulons-nous ? Une éducation qui sensibilise, qui éveille les consciences et qui valorise la diversité des expériences. Une éducation qui fait de la santé un droit qui ne peut être aliéné, et non un privilège. Nous devons saturer d’images et de voix, de toutes les couleurs existantes,  nos espaces de soin et de parole. Je ne vais pas vous cacher qu’aujourd’hui j’ai peur, j’oscille entre la tétanie et la révolte. J’ai peur que mes droits de malade s’effacent. J’ai peur qu’on m’empêche d’aimer. J’ai peur des conséquences de ma peau. Et je suis loin d’être le seul face à cette peur, qui semble parfois trop inaudible. Mais je crois qu’il faut parler d'amour face à cette peur. 

    Cet amour, c'est la base de tout soin véritable. En cultivant cet amour dans notre pratique quotidienne, de citoyens, de professionnels du soin, de patients, d’aidants,  nous pourrons repousser la peur et la haine, et construire un système de santé véritablement solidaire et humain ».

    Penser la résistance et l'après

    C’est Jean-François Corty, médecin et président de Médecins du Monde, qui a conclu le rassemblement. Il a souligné les risques qui pèsent aujourd’hui sur les libertés publiques, les personnes les plus précaires et les plus fragiles, les associations qui les accompagnent et les mobilisent. C’est ce péril qui a conduit, comme il l’a expliqué, l’ONG qu’il dirige et qui est a-partisane a expliqué clairement son opposition résolue aux idées d’extrême droite. « Nous devrons quoi qu’il se passe documenter les situations difficiles qui seront créées, défendre notre solidarité décomplexée envers toutes et tous, reprendre pied, défendre l’hôpital public, l’accès aux soins sans aucune restriction », a-t-il expliqué. « Nous ferons un point ensemble après le premier tour. Une chose est sûre : le combat ne va pas s’arrêter après le second tour ».

    "Notre engagement pour la santé de toutes et tous"

     « Nous sommes des soignantes et des soignants : infirmières, médecins, sages-femmes, aides-soignants, psychologues, chirurgiennes-dentistes, et autres professionnels de santé. Nous exerçons en libéral, à l’hôpital, en centre de santé, en Protection maternelle infantile, dans les Permanences d’accès aux soins de santé, dans les structures de prévention, au sein d’associations.
    Notre mission première est de soigner et d’accompagner les patients tout au long de leur parcours de soins et de leur vie, dans le respect de leur dignité et de leur volonté.
    Aujourd’hui, nous avons pleinement conscience du danger que la situation politique fait peser sur le maintien du droit à la santé pour toutes et tous.
    Le droit fondamental à la santé, inscrit dans notre Constitution, est au cœur de notre pacte républicain. La santé est un droit humain fondamental et un pilier de la cohésion sociale. Toute politique discriminatoire, visant à restreindre l’accès aux soins pour certaines populations, est une attaque contre ces principes. Prendre soin de chacun c’est préserver la santé de toutes et tous : ce principe essentiel de notre profession ne peut être oublié.
    Les plus vulnérables fragilisés
    Pourtant, les politiques d’extrême-droite mettent en danger la santé publique en affaiblissant la protection sociale et l’organisation de notre système de santé solidaire. Elles fragilisent les plus vulnérables et aggravent les inégalités. Les conséquences sont graves pour l’accès à la prévention et aux soins pour l’ensemble de la société. C’est pourquoi, face à ce péril, nous réaffirmons plus que jamais notre engagement. Dans le moment historique que nous vivons, notre boussole est notre serment de protéger la santé de nos patients sans aucune distinction, dans un souci d’égalité d’accès aux soins pour toutes et tous, et au regard de principes de santé publique humaniste.
    Une maternité doit-elle fermer en-dessous de 300 accouchements par an ?
    Nous nous alarmons particulièrement de politiques dites de “préférence nationale” qui exacerbent les inégalités et risquent de fracturer davantage notre société, menant à des conséquences désastreuses pour la santé publique et la cohésion sociale. Déjà à l’œuvre, les restrictions de l’accès à la sécurité sociale et à l’aide médicale d’État (AME) pour des personnes en demande d’asile ou en attente de titre de séjour, pourraient se généraliser selon la majorité issue des élections législatives. Priver ces personnes de protection maladie, c’est laisser leur état de santé se dégrader, et les exposer à une prise en soin tardive avec des hospitalisations complexes et prolongées et une perte de chance médicale. Il s’agit d’un risque majeur de désorganisation du système de soins, d’aggravation des conditions de travail des personnels soignants et de surcoûts financiers importants. Par ailleurs, la survie de notre système de soins, déjà éprouvé par les crises successives, doit beaucoup à l’engagement de professionnels dévoués, dont un grand nombre sont étrangers. Nous ne pouvons accepter la privation de ces compétences précieuses.
    Logique de bouc émissaire
    Au nom de l’éthique, de la déontologie des professions de santé et des principes républicains d’intérêt général, nous n’acceptons aucune atteinte au droit fondamental à la santé et aucune remise en question de notre indépendance professionnelle. Nous refusons de choisir entre les personnes qui peuvent être soignées et celles qui sont abandonnées à leur sort. Nous refusons d’être instrumentalisés et de nous mettre au service d’une médecine du tri et de politiques différenciées et d’exclusion. Nous refusons la logique de bouc émissaire selon laquelle l’exclusion des soins des plus précaires permettrait de résoudre les dysfonctionnements et insuffisances de notre système de santé. Nous nous engageons à protéger la santé de toutes les personnes qui le nécessitent, sans distinction, et à ne jamais renoncer à notre serment et à notre éthique. »

    L’appel est disponible ici.
    Parmi les premiers-ères  signataires figurent : Jean-François Corty (Médecins du Monde) ; Julie Chastang, Nicolas Vignier, Rémi Solomon, Olivier Milleron, Nathalie de Castro ; Isabelle Defourny (MSF France) ; Arnaud Veisse (Comede), Catherine Aumond (sage-femme, AIDES), des doyens de faculté de médecine (Bruno Riou, etc.), des professeurs-es émérites de médecine (André Grimaldi, etc.), des médecins de santé publique (François Bourdillon, etc.).

     

    Les fédérations hospitalières défendent les "valeurs" du soin
    Si on en croit les sondages de l’avant premier tour, il n’est pas impossible que dans quelques jours ce soit un gouvernement d’extrême droite qui dirige avec, à la clef, la mise en place d’une politique de santé d’extrême droite. Dans cette éventuelle perspective (que de nombreuses initiatives entendent contrer), les grandes fédérations hospitalières (FHF, FHP, Fehap, Unicancer) ont décidé de prendre position pour « défendre les valeurs d’humanisme et d’égal accès aux soins… mais aussi la vérité scientifique », comme le rappelle le Quotidien du Médecin (28 juin). Par exemple, la Fédération hospitalière de France (délégation des Hauts-de-France) a appelé « à ne pas transiger avec les valeurs qui fondent le service public ». En 2022 déjà, la FHF avait été à l’origine d’une tribune signée par des professionnels-les de santé et des représentants-es d’organisations de santé, lancée la veille du deuxième tour des présidentielles expliquant que : « Les valeurs du système de santé ne sont pas celles de l’extrême-droite ». « Les valeurs du service public sont incompatibles avec toute forme de discrimination, de rejet ou d’intolérance », explique, aujourd’hui encore, la FHF. Du côté de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), son président Lamine Gharbi a réagi dans un édito : « L’accélération des événements engendrée par la dissolution a contraint les différentes formations politiques à sortir du chapeau, plus rapidement que prévu, des éléments programmatiques. Ainsi voit-on apparaitre des propositions « santé » passablement improvisées ou hasardeuses, procédant plus de réflexes quasi « pavloviens » que d’une réflexion concertée avec les professionnels du secteur. Parmi ces réflexes pavloviens, assez courants des côtés des plus extrêmes de l’échiquier politique, il y a la stratégie du bouc-émissaire et le principe de la défiance a priori. Supprimer les Agences régionales de santé, démanteler l’Aide médicale d’Etat d’un côté ; être convaincu que l’on résoudra l’accès aux soins par la contrainte des professionnels, et déconsidérer les acteurs privés, de l’autre. Détruire, plutôt que construire ; stigmatiser, plutôt que valoriser : deux ressorts sans doute plus faciles pour construire une argumentation idéologique dans l’urgence, plutôt qu’un programme solide témoignant d’une compréhension des réalités des acteurs de terrain, et d’une volonté réelle de transformer notre système de santé au service des patients ». Comme le résume le quotidien médical,  les différentes fédérations hospitalières mettent en avant l’importance des « valeurs » universelles de l’égal accès aux soins, de l’accueil « inconditionnel » de toutes les vulnérabilités et du respect des droits individuels et collectifs pour toutes et tous. « En termes plus ou moins explicites, [toutes affirment que] les valeurs du service public sont incompatibles avec toute forme de discrimination, de rejet ou d’intolérance », conclut le journal.