L’Actu vue par Remaides : « Observatoire de la sérophobie : "Ces situations de discrimination restent souvent peu connues en dehors de nos réseaux" »
- Actualité
- 10.04.2025
Au centre, Marjorie Mailland. Photo : DR.
Par Fred Lebreton
Spécial Sérophobie :
Observatoire de la sérophobie : "Ces situations de discrimination
restent souvent peu connues en dehors
de nos réseaux"
Vous avez été victime de sérophobie entre 2019 et 2025 ? Vous souhaiteriez en parler ? Le Réseau Santé Marseille Sud qui lutte contre la sérophobie depuis de nombreuses années, vient de lancer un Observatoire de la sérophobie pour recenser auprès des victimes des situations, les informer sur leurs droits et les accompagner, produire des outils et construire un plaidoyer. Marjorie Mailland, coordinatrice du Réseau Santé Marseille Sud, revient sur cette nouvelle initiative.
Qui est à l’initiative de l’Observatoire sur la sérophobie, et quel est son objectif ?
Marjorie Mailland : L’initiative vient de l’équipe du Réseau Santé Marseille Sud. Cela inclut Mary Bassmadjian, Lydienne Ntogue, salariées, des membres du conseil d’administration, des adhérents-es et moi-même. Depuis longtemps, nous abordons la question des discriminations au sein de l’association. En ce qui me concerne, je suis salariée depuis 2014, mais j’étais bénévole et membre du CA depuis 2004. À mon arrivée comme salariée, l’une des premières embauches a été celle de Mary, une personne vivant avec le VIH, dans une démarche visant à lutter contre les discriminations et l’auto-exclusion. Nous avons également lancé le pôle Ressources en 2015, qui nous a permis d’organiser des interventions avec des personnes vivant avec le VIH. Nous nous déplacions dans divers organismes pour discuter avec les personnes concernées des enjeux liés aux discriminations. Nous avons également travaillé avec des soignants, des étudiants dans le champ du travail social et de la santé, et d’autres professionnels pour les sensibiliser à ces questions. Cela fait donc plusieurs années que ce sujet est intégré à nos actions.
La mise en place de l’Observatoire a été accélérée par les États généraux des personnes vivant avec le VIH [qui ont eu lieu à Paris en mai 2024, et dont le Réseau Santé Marseille Sud était partenaire, ndlr], qui ont mis en lumière à quel point la sérophobie demeurait une problématique encore présente et répandue, touchant tout le monde, et pas seulement à Marseille. Ces États généraux ont confirmé qu’il était urgent d’agir de manière plus structurée. C’est ainsi que l’idée de l’Observatoire a vu le jour. Arnaud Rouyer, informaticien, nous a aidés à le mettre en forme, et en ligne.
Comment garantissez-vous la confidentialité pour les personnes qui témoignent sur votre plateforme ?
Marjorie Mailland : Les témoignages sont entièrement anonymes. Nous ne demandons ni les coordonnées des personnes, ni leur nom. Parfois, nous posons des questions comme : « Qui était présent ? » ; « Qui sont les auteurs des faits ? » Mais ce n’est pas pour identifier les personnes. L’idée est de savoir si les auteurs sont des médecins, des voisins, des membres de la famille, etc. Cela permet de mieux comprendre le contexte, tout en préservant l’anonymat. Nous ne collectons aucune donnée personnelle. Le formulaire est conçu pour rester simple et anonyme. Il collecte seulement des informations comme la date des faits, le lieu, le contexte, une description des événements, et éventuellement une réaction de la personne qui en a été victime. Nous pouvons également recueillir des données sociodémographiques pour mieux comprendre les situations, mais pas d’informations permettant d’identifier directement la personne victime.
Un accompagnement est-il possible si la personne qui témoigne en exprime le besoin ?
Marjorie Mailland : Oui, les personnes peuvent nous joindre directement et nous laisser leurs coordonnées si elles souhaitent être recontactées. Nous faisons alors une distinction claire entre le témoignage et les coordonnées : les deux ne sont jamais mélangés, pour garantir que l’anonymat du témoignage soit respecté. Si une personne souhaite de l’aide, nous la recontactons. Toutefois, il faut tenir compte de la localisation : nous sommes basés à Marseille ; donc, il n’est pas toujours possible d’assurer un accompagnement direct si la personne vit à plusieurs centaines de kilomètres. Dans ce cas, nous essayons d’identifier des associations ou des acteurs locaux capables de prendre le relais. L’objectif est de mettre la personne en lien avec les bonnes ressources sur son territoire, afin qu’elle soit accompagnée au mieux dans sa démarche.
À quoi vont servir ces données ? Est-il prévu de les utiliser dans un travail de plaidoyer ?
Marjorie Mailland : Oui, tout à fait. L’idée principale est de recenser et récolter les témoignages pour les rendre visibles. Ces situations de discrimination restent souvent peu connues en dehors de nos réseaux, alors qu’elles méritent d’être mises en lumière. Ce travail sert d’abord à catégoriser les cas : comment, où, et dans quels contextes ces discriminations surviennent. Ensuite, il y a une dimension de plaidoyer : ces données peuvent nous permettre d’interpeller les collectivités et services concernés, pour leur rappeler que ces discriminations existent et qu’elles sont documentées par des témoignages concrets et récents ! On vise également à informer et accompagner les victimes. Cela peut passer par un soutien juridique, mais aussi par d’autres formes d’appui, comme des temps d’échange. Ces moments permettent aux personnes de partager leurs expériences, d’apprendre des stratégies des autres, et de ne pas rester isolées face à ces situations. Enfin, nous réfléchissons à développer ou améliorer des outils existants pour agir concrètement. Par exemple, dans le cas des dentistes — un problème qui semble national — nous nous demandons comment sensibiliser ces professionnels, souvent freinés par des méconnaissances, voire des peurs. L’idée serait d’imaginer des actions simples, comme des visites pour entamer un dialogue et proposer des solutions adaptées, des actions de médiation. Ce travail ne se limite pas au juridique, car ce n’est pas toujours suffisant, et cela reste complexe. Il faut également comprendre les blocages de certains acteurs, comme les dentistes ou d’autres professionnels de santé, pour construire des ponts et réduire les discriminations de manière durable. Nous prévoyons également de visibiliser ces situations de discrimination au travers d’activités artistiques et créatives (scènes de théâtre, affiches, campagnes, flyers, livrets, BD, podcast, vidéos, etc.).
Qu'est-ce que le Réseau Santé Marseille Sud ?
Le Réseau Santé Marseille Sud (RSMS) est une association créée en 1993 qui rassemble des professionnels-les de santé et des acteurs-rices du secteur social à Marseille. Son objectif principal est de coordonner les soins et d’améliorer l’accompagnement des personnes atteintes de maladies chroniques ou confrontées à des problématiques spécifiques, notamment dans le domaine de la santé sexuelle, du VIH, des hépatites ou encore de la précarité. Les interventions proposées peuvent se faire en individuel, en collectif, à domicile ou au local du Réseau. L’objectif est d’améliorer la prise en charge des personnes vivant avec des problèmes de santé spécifiques, présentes sur le territoire, et sécuriser leurs parcours de vie et de santé. Le Réseau propose également des actions de prévention, d’information, ainsi que des formations pour les professionnels-les.
RSMS - Réseau Santé Marseille Sud. 129, avenue de Toulon.
13005 Marseille.
Tél. : 06 63 04 79 51. Mail : rsms@rsms.asso.fr
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