L’Actu vue par Remaides : « Infirmière et séropositive : une voix pour les femmes vivant avec le VIH »
- Actualité
- 24.02.2025
Bridgette Picou en couverture du numéro de mars 2025 de POZ.
Par Fred Lebreton
Infirmière et séropositive :
une voix pour les femmes vivant avec le VIH
Diagnostiquée séropositive en 2012, Bridgette Picou a transformé son parcours personnel en un engagement professionnel et militant. Infirmière spécialisée dans le VIH, elle se bat pour une meilleure prise en charge des femmes vivant avec le virus, souvent oubliées dans le système de santé. Le magazine américain Poz lui consacre sa Une du mois de mars 2025 et un long portrait.
" Personne ne m'a expliqué comment vivre avec le virus "
Lorsqu’elle reçoit son diagnostic de séropositivité en 2012, Bridgette Picou, alors âgée de 40 ans, voit sa vie bouleversée. Cette infirmière auxiliaire californienne ne s’attendait pas à une telle nouvelle, et encore moins aux défis qu’elle devrait affronter pour accéder aux soins. Dès le début, elle se heurte à un système médical qui, bien qu’efficace dans la prise en charge du VIH, manque cruellement d’accompagnement humain. « Tout le monde faisait très attention à me dire que je n’allais pas mourir, mais personne ne m’a expliqué comment vivre avec le virus », raconte-t-elle aujourd’hui à Poz. Déterminée à ne pas se laisser submerger, elle se lance alors dans une quête de connaissances pour tout savoir sur le VIH et pour apprendre à naviguer dans un parcours de soins souvent opaque. Sa volonté d’aider les autres naît de sa propre expérience. En se formant aux soins infirmiers avec une spécialisation dans le VIH, elle découvre à quel point les femmes vivant avec le virus sont souvent oubliées dans les discours médicaux et les politiques de santé publique. Elle-même a dû attendre six mois avant d’avoir accès à un traitement, faute d’information sur les aides financières existantes. « Personne ne m’a parlé du programme Ryan White ou de l’ADAP [programme du gouvernement fédéral pour améliorer la qualité et la disponibilité des soins pour les personnes médicalement mal desservies et les familles touchées par le VIH, ndlr] », regrette-t-elle, soulignant que cette absence d’orientation aurait pu compromettre son état de santé. Consciente de ces lacunes, elle fait de l’accès à l’information et du soutien aux personnes vivant avec le VIH une priorité dans son engagement professionnel. Aujourd’hui, elle accompagne des femmes confrontées aux mêmes obstacles et plaide pour une meilleure prise en charge globale du VIH, qui ne se limite pas seulement à la prescription de médicaments, mais englobe aussi le bien-être mental, la sexualité et la qualité de vie.
Militer pour la visibilité des femmes vivant avec le VIH
Bridgette Picou ne se contente pas de travailler en clinique ; elle s’investit aussi activement dans la défense des droits des femmes vivant avec le VIH. Son engagement l’a menée à rejoindre The Well Project, une organisation américaine qui soutient les femmes et les jeunes filles séropositives. D’abord contributrice à leur blog, où elle partage son expérience et ses conseils, elle en est aujourd’hui une figure essentielle. Elle insiste sur un point crucial : la nécessité de rendre les femmes visibles dans la lutte contre le VIH. Pour la militante, les femmes sont trop souvent reléguées à l’arrière-plan, que ce soit dans la recherche scientifique ou dans les campagnes de sensibilisation. « Beaucoup de femmes ne se voient pas comme vulnérables face au VIH », explique-t-elle, déplorant un manque d’information spécifique à leur réalité. Consciente de cette invisibilisation, Bridgette Picou a lancé en 2023 la conférence « SHE is », un événement entièrement dédié aux femmes vivant avec le VIH. Ce rassemblement a permis à des participantes venues de différents horizons de partager leurs expériences et de tisser des liens de solidarité.
À travers des ateliers créatifs et des discussions autour de la stigmatisation et de l’estime de soi, Bridgette Picou cherche à offrir un espace où les femmes peuvent non seulement se raconter, mais aussi se réapproprier leur parcours. Elle sait que la stigmatisation reste un frein majeur au bien-être des femmes séropositives et encourage chacune à s’affirmer. « La façon dont vous vous percevez influencera la manière dont les autres vous voient », affirme-t-elle.
Au-delà de l’activisme communautaire, Bridgette Picou, rappelle que chaque femme peut, à son échelle, jouer un rôle actif. Écrire à ses élus-es, s’informer sur ses droits, oser poser des questions à son-sa médecin : autant d’actions qui participent à une autonomisation nécessaire. Pour elle, la clé réside dans l’éducation et la transmission. « Quand tu ne trouves pas la lumière, sois la lumière », dit-elle, fidèle à sa philosophie de vie.
En continuant de plaider pour un meilleur accompagnement des femmes vivant avec le VIH, en amplifiant leur voix dans les espaces de décision et en encourageant leur émancipation, Bridgette Picou espère offrir aux autres ce qu’elle aurait aimé recevoir à ses débuts : du soutien, de l’information et une place légitime à la table des discussions.