L’Actu vue par Remaides : « David Munar : le parcours d’un combattant du VIH depuis trente ans »
- Actualité
- 06.11.2024
© Stephen Takacs pour POZ
Par Fred Lebreton
David Munar : le parcours d'un combattant du VIH depuis trente ans
Dans son numéro d’octobre/novembre 2024, le magazine américain Poz consacre un long portrait à David Munar, un activiste Colombien-Américain de 54 ans, ouvertement gay et séropositif. Celui qui est aujourd’hui le PDG d'Equitas Health, l'une des plus grandes organisations aux États-Unis au service des communautés LGBTQ+ et des personnes vivant avec le VIH, partage les hauts et les bas d’un véritable parcours du combattant.
Les parents et la sœur de David ont immigré aux États-Unis depuis la Colombie, s'installant dans le quartier du Queens à New York, avant de déménager à Albuquerque (Nouveau-Mexique) peu après sa naissance. Après avoir terminé le lycée, il déménage à Chicago (Illinois) pour ses études universitaires, quittant ainsi le cercle protecteur de sa famille. « J'ai fait mes études à l'Université Northwestern, dit-il. Je me suis vraiment investi dans la Gay Lesbian Alliance là-bas, finissant même par diriger le groupe. » Défendre les droits de la communauté queer sur le campus a éveillé en lui une passion pour l’activisme et lui a appris la puissance de l'organisation et de la mobilisation. En 1991, David décroche un poste à la AIDS Foundation of Chicago (AFC). « C'était en 1991. Il y avait douze personnes au bureau », dit-il. « J'étais le plus jeune et le moins expérimenté de l'équipe. Le président Clinton venait de promulguer la loi Ryan White CARE [Cette loi est le plus grand programme de financement par le gouvernement fédéral des États-Unis à destination des personnes vivant avec le VIH, ndlr]. Je faisais tout ! J'étais à l'accueil, je m'occupais des comptes clients (…) des procès-verbaux du conseil, des comités de subventions, mais j'adorais ça. »
En 1994, David apprend sa séropositivité. Il a 24 ans. Nous sommes deux ans avant l’arrivée des antiprotéases en 1996 et à cette époque un diagnostic de VIH est une condamnation à mort. Sa première réaction est de craindre pour sa famille, se souciant de la peine que cette nouvelle leur causerait. « Ensuite, je me suis demandé : Quand je mourrai à 35 ans ou avant, qui les consolera ? Puis, j’ai ressenti une énorme honte en pensant que j’avais causé cela en m’éloignant de ma famille, en ne restant pas sous leur protection, » explique-t-il. S’en suit une longue période de doutes et d’angoisses : « J’avais peur. Je ne connaissais vraiment personne qui avait survécu au VIH pendant plus de dix ans. Et j’étais en colère à l’idée que je pourrais ne pas vivre ces dix années, peut-être moins. J’avais aussi peur de l’échec du traitement. J’avais vu tant de gens qui avaient mis un espoir incroyable dans [les premiers traitements du VIH] comme l’AZT ou d’autres médicaments expérimentaux, mais ils n’avaient pas réussi. Tout cela pesait lourd dans mon esprit. »
Le jeune homme a finalement accès aux antiprotéases en 1996, mais les effets indésirables sont trop lourds pour lui et il éprouve des difficultés à bien les prendre : « J’ai vu comment cela a sauvé la vie de tant de gens, mais j’ai aussi vu comment cela les a ravagés physiquement. Mon médecin m’avait dit que commencer le traitement pour le VIH, c’était comme plonger dans une piscine froide : "Il faut juste sauter". Mais je ne voulais pas sauter. » La mauvaise observance du traitement fait dégringoler ses CD4 et la santé de David se détériore : « Il y a eu une période où je vivais cliniquement en stade sida. Et je le ressentais. Je ne pouvais même pas traverser la rue sans attraper un rhume ou une infection des voies respiratoires. » Mais, le militant réussi à redevenir observant et peu à peu retrouve une bonne santé : « Il était clair que je devais avancer [avec les médicaments anti-VIH], et je suis heureux de l’avoir fait. »
David Munar a gravi les échelons à l'AIDS Foundation of Chicago (AFC) et y est resté pendant 23 ans. Sa compassion et ses compétences lui ont valu d’être nommé directeur général en 2011. En 2014, il a pris la direction de Howard Brown Health, l'une des plus grandes organisations LGBTQ du pays, en tant que président et directeur général. À ce poste, il a supervisé son développement en passant d'un centre de santé communautaire à un centre de santé qualifié au niveau fédéral, avec onze cliniques à travers Chicago, offrant des soins à des dizaines de milliers de personnes. Trente ans après son diagnostic VIH, David est un homme accompli tant au niveau professionnel que personnel. Il partage sa vie avec son compagnon depuis trois ans : « J’ai plus de cellules T que jamais et ma charge virale est indétectable ! J’ai tenu bon, je suis fort, mais je sais aussi qu’on ne peut pas vivre 30 ans avec le VIH sans être affecté émotionnellement et mentalement. »