L’Actu vue par Remaides : « AMAR, un artiste qui réinvente la mémoire queer à travers danse et musique »
- Actualité
- 03.03.2025
Photo de Fawn, une des performances qui composent le spectacle Metamorphose. Photo : Pierre Girod
Interview par Fred Lebreton
AMAR, un artiste qui réinvente
la mémoire queer à
travers danse et musique
De la danse classique aux clubs underground new-yorkais, l’artiste AMAR fusionne ses influences pour raconter l’histoire d’une génération marquée par le VIH/sida. Avec Metamorphose, il redonne vie à l’effervescence et aux combats de la scène queer des années 80. Rencontre.
Quel est votre parcours en tant qu’artiste et quelles sont vos inspirations ?
Je suis un artiste pluridisciplinaire qui explore, par le biais de la danse et de la musique, la culture queer. J'ai été initialement formé à la danse classique par Patrick Dupond [danseur étoile de l'Opéra national de Paris, décédé en 2021, ndlr], puis je me suis orienté vers la danse contemporaine avec des chorégraphes tels que Biño Sauitzvy [artiste italo-brésilien, metteur en scène, chorégraphe, performeur, acteur, danseur, ndlr], ainsi que les danses indiennes.
En parallèle, j'ai passé beaucoup de temps à New York, où je me suis davantage concentré sur la scène musicale. Là-bas, j'ai suivi des cours au New York City Center avec Zvi Gotheiner, un lieu important pour la danse contemporaine et classique, ainsi qu'à Bruxelles avec mon mentor Fabrice Gibert. J'ai réalisé mon premier album Otto Disco en 2021, un album influencé par la new wave, inspiré par le milieu underground des années 80. J'ai sorti un premier single, Ready to Dance, qui a été la bande originale du film La Première Marche, distribué par Outplay. Ce film retrace la création de la première marche des fiertés en Seine-Saint-Denis.
Mon deuxième album, Welcome to Democrazy, a été coproduit par Tommy Marcus, un DJ bien connu à Paris. Cet album était inspiré des années 90 et de la culture queer de cette époque. Après cet album, je suis revenu à mes premiers amours : la création chorégraphique et les performances artistiques. Pendant mes études, j'avais travaillé avec Omid Hashemi qui m’a fait rencontrer Marina Abramović [performeuse serbe considérée comme une pionnière de l'art de la performance et célèbre pour ses œuvres radicales explorant les limites du corps, ndlr]. C'est cet univers que j'ai voulu redécouvrir en créant Fawn, ma première pièce, composée par
Une photo de Mike, une des performances qui composent le spectacle Metamorphose.
Photo : Sophie Thomas
Vous êtes également très impliqué dans la lutte pour les droits LGBT+…
Oui, en parallèle, je suis président d'une association LGBTQIA+, Joigny est fier-ère qui œuvre pour la visibilité de la communauté en milieu rural, principalement autour d’Auxerre et Dijon. J'ai créé la première Pride de la région et j'organise de nombreux événements pour connecter les jeunes locaux, souvent privés d'accès à des plateformes comme celles disponibles à Paris, New York ou d'autres métropoles. J'accompagne les jeunes dans leur parcours de transition, facilite le dialogue avec leurs parents et organise des tables rondes, notamment avec des personnes trans comme Aëla Chanel [en 2023, Aëla Chanel a marqué l'histoire en devenant la première femme transgenre à participer au concours de Miss Isère, un concours de beauté régional en France, ndlr]. Cette année, notre troisième édition aura lieu le samedi 21 juin.
AMAR en répétition pour son spectacle Metamorphose. Photo : Vinus.
Comment est né le projet Metamorphose, et que propose ce ballet ?
Metamorphose, c'est un projet né au sein de Célestine, un collectif que j'ai cofondé avec Christophe Simonnet. Nous regroupons des talents comme Daniel S, Théodora Élie, Marvin Morand et Ferdinand Bydlowski. Célestine est un espace de création où nous mélangeons nos talents pour produire des performances chorégraphiques, visuelles et musicales. Le nom du ballet fait référence aux textes d'Ovide [poète romain né en 43 av. J.-C. à Sulmona (Italie actuelle) considéré comme l'un des plus grands poètes de la littérature latine, ndlr], auxquels j'ai ajouté mon nom. J'ai commencé ma carrière dans le burlesque, explorant les genres et les costumes. Cette hybridation a inspiré le projet. Metamorphose se compose de trois performances : Fawn, Mike et Otto. Fawn raconte l'histoire d'un jeune homme naïf découvrant New York, inspirée de la Vénus de Botticelli et du cruising homosexuel, notamment à travers les photos d'Alvin Baltrop [photographe américain connu pour ses images documentant la communauté queer et les quais abandonnés de New York dans les années 1970 et 1980, ndlr]. Cette époque pré-épidémie du VIH, à partir de 1979, reflétait une certaine insouciance, mais aussi une dangerosité, avant les réseaux sociaux. J'ai voulu transmettre cet univers à travers un trio amoureux androgyne, inspiré du prélude de L'après-midi d'un faune de Vaslav Nijinsky [danseur et chorégraphe russe d'origine polonaise, considéré comme l’un des plus grands danseurs de l’histoire du ballet, ndlr]. La chorégraphie évolue avec l'arrivée de l'épidémie de VIH, illustrant comment la jeunesse, malgré la menace, reste combative et avide de vie, jusqu'à ce que chacun soit confronté à la maladie. Mike, présenté en avril prochain, explore la toxicité des relations entre hommes, contrastant avec la naïveté de Fawn. Inspiré de Saint-Michel terrassant le dragon, Mike reflète une masculinité exacerbée, explorant la sexualité, le mensonge et les apparences, notamment à travers des costumes religieux évocateurs. Les deux actes se jouent le même soir, formant un diptyque sur les identités queer et l'évolution des rapports sociaux face à l'épidémie de VIH/sida.
Pourquoi avoir choisi de situer votre pièce à New York et sur la période 1979-1985 ?
Cette époque m'a toujours fasciné, car tout était à créer. C'était l'effervescence artistique, culturelle et sociale, incarnée par des figures comme Madonna et Keith Haring [artiste pop art et activiste américain décédé en 1990 des suites du sida, ndlr]. New York était un terrain de jeu où il fallait se battre pour réussir, ce qui résonne avec mon propre parcours. C'était aussi une époque de grande violence pour la communauté queer, mais également de solidarité. Malheureusement, cette richesse a été brutalement stoppée par l'épidémie de VIH. Cette soif créative, je l'ai ressentie en vivant à New York. C'est une source d'inspiration constante pour ma musique et mes spectacles. C'est pourquoi j'ai voulu inscrire cette énergie dans Metamorphose, pour honorer ces histoires d'amour brûlées vives et souvent oubliées.
Infos pratiques
Metamorphose, un diptyque chorégraphique qui explore l'identité queer. Les prochaines représentations auront lieu les lundi 28 et mardi 29 avril au Théâtre Douze. 6, avenue Maurice Ravel. 75012 Paris.
Bus : 29 (Jules Lemaître) ou 56 (Porte de Saint Mandé)
Tramway 3a : Arrêt Montempoivre
Métro : Porte de Vincennes (1) ou Porte Dorée (8) puis le T3a (Montempoivre).
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