L’Actu vue par Remaides : « Quels sont les médicaments les plus prescrits en France en 2023 ? »
- Actualité
- 27.11.2024
© Anthony Leprince pour Studio Capuche
Par Jean-François Laforgerie
Quels sont les médicaments les plus
prescrits en France en 2023 ?
Il ne fallait pas moins qu’un copieux dossier de presse truffé de chiffres et de graphiques pour établir le panorama des médicaments qui sont les plus prescrits en France en ce moment. L’Assurance maladie a dévoilé, mi-novembre, son classement pour l’année 2023 en France. La rédaction de Remaides revient sur quelques chiffres clefs.
Plus de 25,5 milliards d'euros remboursés, tous médicaments confondus
D’abord un chiffre : c’est un montant de plus de 25,5 milliards d’euros qui ont été remboursés par l’Assurance maladie en 2023. Les dépenses de médicaments représentent, de fait, une part importante des dépenses de santé de l’Assurance maladie : elles constituent 12 % des dépenses totales de l’Assurance maladie entrant dans le champ de l’Ondam (objectif national de dépenses d'Assurance maladie) et plus de 29 % des dépenses de soins de ville. En 2023, les dépenses remboursées de médicaments (25,5 Milliards d’euros) concernent les médicaments délivrés en officine de ville, ceux qui sont sur la liste en sus, via la rétrocession hospitalière ou en accès précoce, après déduction des remises produits et de la clause de sauvegarde.
De quoi s’agit-il ? Un système de remises sur les prix a été mis en place lors des négociations entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et les laboratoires pharmaceutiques (les fabricants), permettant aux laboratoires d'afficher un prix public supérieur au prix réellement payé par l'Assurance maladie. De plus, une clause de sauvegarde, appelée Contribution M, impose aux laboratoires de reverser une partie de leur chiffre d'affaires au-delà d'un seuil annuel, afin de contrôler la croissance des dépenses liées aux médicaments remboursables.
En montants bruts, les montants remboursés ont atteint 35,2 milliards d’euros en 2023. Après une période de relative stabilité entre 2017 et 2020, les remboursements de médicaments enregistrent depuis 2021 une dynamique plus forte : + 3,4 % en moyenne annuelle sur la période 2021-2023, pour les montants remboursés nets (après déduction des remises et de la clause de sauvegarde). En montants remboursés bruts, ce taux de croissance annuel moyen s’élève à 9 %.
Sur la période 2017-2023, le taux de remboursement des médicaments par l’Assurance maladie, en ville et à l’hôpital, progresse de manière continue pour atteindre près de 91 %, soit une progression de 3,5 pts sur la période. Cela s’explique notamment par la part croissante des assurés-es pris en charge à 100 % au titre d’une affection de longue durée (ALD).
L’Assurance maladie constate aussi une « prescription hospitalière en forte croissance ». Parmi les médicaments délivrés en ville, 45 % des dépenses sont liées à des prescriptions de médecins exerçant à l’hôpital. Cette proportion ne cesse de progresser passant de 32 % en 2017 à 45 % en 2023, avec un montant remboursé associé de 12,7 milliards d’euros contre 15,7 Mds € pour les médecins libéraux-les de ville.
Une dynamique des dépenses de médicaments portée par le coût de l'innovation et des médicaments récents
Depuis 2020, l’évolution récente des dépenses remboursées est surtout portée par le coût de l’innovation et des médicaments onéreux. De manière générale, l’Assurance maladie observe « un déport croissant des prescriptions médicales vers les médicaments les plus récents et les plus coûteux ». Cette croissance s’appuie principalement sur trois facteurs qui se conjuguent.
Il y a d’une part une hausse des dépenses en lien avec les produits les plus innovants, c’est-à-dire ayant une ASMR (amélioration du service médical rendu) entre I et III : ceux-ci totalisent à eux-seuls une dépense de sept milliards d’euros en 2022 et leur part progresse entre 2017 et 2022, passant de 20 % des montants remboursés à 26 % sur la période. Le cas des médicaments orphelins (destiné au traitement de maladies rares) illustre cette dynamique particulière de l’innovation thérapeutique. Ainsi, en 2022, les dépenses remboursables de médicaments orphelins en ville et à l’hôpital se sont élevées à 3,9 milliards d’euros, soit une hausse de 38 % par rapport à l’année précédente ; et un taux de croissance annuel moyen de 21,3% depuis 2019.
Il y a d’autre part une progression parallèle des dépenses liées à des médicaments présentant une amélioration mineure ou inexistante par rapport à l’existant (ASMR IV et V) : en 2022, 9,5 milliards d’eiros de dépenses sont liées à des produits avec une ASMR IV et V. Au total, ils représentent 32 % des montants remboursés en 2022 (contre 27 % en 2017).
Il y a enfin une baisse de la part des dépenses en lien avec des médicaments anciens ou génériqués, souvent moins onéreux : ainsi, la part de ces médicaments représentait 53 % des dépenses remboursées en ville et à l’hôpital en 2017 et 41% en 2022.
Les cinq classes contribuant le plus à la croissance des dépenses à fin juin 2024 en officine étaient (montants annuels) : les anticancéreux à hauteur de 345 millions d’euros ; les immunosuppresseurs pour 219 millions ; les médicaments pour le système nerveux (dont Vyndaqel) pour 208 millions ; les hypolipidémiants (baisse des graisses dans le sang) pour 136 millions et la thérapeutique endocrine (pour traiter les cancers qui se servent des hormones ou des voies de signalisation hormonales) pour 126 millions.
Les médicaments les plus prescrits et remboursés en France en 2023
Les vingt médicaments les plus remboursés, en officines de ville, représentent un montant total de 7,3 milliards sur 25,7 milliards d’euros, sur une année glissante à fin juin 2024, concentrant ainsi plus d’un quart (28,3 %) de l’ensemble des dépenses remboursées. Ces vingt premiers médicaments remboursés bénéficient d’un taux de remboursement moyen de près de 96 % : seuls deux d’entre eux, le Dupixent (traitement des dermatites) et le Doliprane, respectivement à la 11ème et à la 17ème place, présentent des taux de prise en charge inférieurs à 90 %. « Ce niveau très élevé de couverture témoigne ainsi d’une prise en charge quasi intégrale par l’Assurance maladie obligatoire des médicaments les plus remboursés, en lien avec une pathologie grave ou chronique au titre d’une ALD », souligne l’Assurance maladie. Le premier médicament remboursé, Eliquis, est un anticoagulant oral prescrit en prévention notamment des accidents vasculaires cérébraux (AVC), de l’embolie pulmonaire ou de la thrombose veineuse (phlébite). Il représente sur une année 755 millions d’euros remboursés, avec un montant moyen de dépenses de 476 € par patient-e et un effectif de patients-es large (plus d’1,5 million de patients-es traités-es dans l’année). « Il est à noter que ce médicament, inscrit au remboursement depuis 2014, n’a pourtant pas démontré son caractère innovant (ASMR V ou IV selon ses indications) ». Cet âge d’or pourrait finir avec la mise en place depuis peu de médicaments génériques pour la même indication. L’Assurance maladie en escompte des économies nouvelles. Le deuxième produit remboursé, Vyndaqel, représente un montant assez proche de 743 millions d’euros de remboursements annuels. Auparavant délivré à l’hôpital dans l’indication amylose cardiaque, il est disponible en officine de ville depuis 2021 dans toutes ses indications et enregistre une forte progression des dépenses (+ 36 % entre 2023 et 2024 en année glissante à fin juin). Il bénéficie d’une amélioration du service médical rendu (ASMR II) importante. Le troisième médicament le plus remboursé, l’Eylea, indiqué dans les pathologies de l’œil comme la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) ou l’œdème maculaire diabétique (OMD) représente un montant remboursé de 520 millions d’euros sur l’année. Ceci pour donner quelques exemples de spécialités et de montants annuels remboursés.
Parmi les vingt premiers médicaments les plus prescrits en volumes, on trouve le Doliprane (plus de 300 millions de boîtes pour plus de 36 millions de personnes et un montant annuel de plus de 265 millions d’euros), suivi par le Dafalgan (près de 72 millions de boîtes pour 6,8 millions de personnes et un montant annuel d’environ 63 millions d’euros.
À noter, parmi les médicaments les plus largement prescrits en volumes, figurent notamment :
- des vitamines largement prescrites aux enfants et aux personnes âgées notamment, conformément aux recommandations scientifiques en la matière : Zymad® (6 ème place, plus de 23 millions de boîtes sur l’année) ;
- la Ventoline pour traiter la crise asthmatique notamment se positionne à la 12ème place, avec 12,8 millions d’unités prescrites et délivrées auprès de plus de cinq millions de patients-es, relativement jeunes (âge moyen de près de 40 ans) ;
- l’antibiotique à large spectre, Amoxiciline Viatris, occupe la 15ème place avec 11,5 millions de boîtes remboursées pour plus de 4,5 millions de patients-es. La molécule seule, amoxiciline, sous ses différentes commercialisations, occupe la 3ème position de ce classement en volumes.
- à la treizième place, on trouve la méthadone avec 12,3 millions de boîtes pour environ 100 000 personnes et un montant remboursé de 27,4 millions d’euros.
Les vingt premiers médicaments en volumes représentent sur une année, à fin juin 2024, un total de plus de 660 millions de boîtes de médicaments, dont près de la moitié pour le paracétamol (Doliprane, Efferalgan, et générique BGA) qui concentre à lui seul 415 millions de boîtes de médicaments, délivrées en pharmacies de ville auprès de 43 millions de patients-es distincts-es. De manière générale, les médicaments les plus remboursés en volumes appartiennent très largement à la famille des antalgiques indiqués dans le traitement de la douleur. Près de 70 % des assurés-es ont ainsi bénéficié d’un remboursement d’antalgiques en 2023. À compter de la fin 2024-début 2025, pour lutter contre le mésusage et le trafic de fausses ordonnances, les médicaments contenant du tramadol ou de la codéine, seul ou en association à d’autres substances (paracétamol, ibuprofène…) seront dispensés uniquement sur présentation d’une ordonnance sécurisée à l’image de la réglementation en vigueur pour les médicaments stupéfiants et certains médicaments assimilés stupéfiants. Le prescripteur devra y avoir inscrit en toutes lettres le dosage, la posologie et la durée de traitement.
Dépenses et volumes de médicaments par personne
Si on résume d’une phrase… cela donne ceci : plus de 40 boîtes de médicaments par patient-e chaque année, près de dix boîtes par mois au-dessus de 80 ans. Chez les assurés-es ayant eu au moins une délivrance d’un médicament dans l’année, la consommation moyenne s’établit à 41 boîtes de médicaments par an, soit un remboursement moyen de plus de 410 € par an et par assuré-e, note l’Assurance maladie. Il existe de très grandes disparités. Ainsi, si les patients-es de moins de 18 ans consomment en moyenne environ une boîte de médicaments par mois, cela progresse très significativement avec l’âge : près de deux par mois entre 18 et 44 ans en moyenne, puis plus de 3,5 boîtes entre 45 et 64 ans pour atteindre plus de six entre 65 et 79 ans et enfin, près de dix boîtes par mois pour les patients-es de plus de 80 ans.
Une différence entre femmes et hommes
Conséquence : les remboursements progressent fortement selon l’âge : si les remboursements de médicaments moyens par assuré-e de moins de 18 ans sont de 131 € par an, ce chiffre est trois fois plus élevé entre 44 et 64 ans (430 €), presque six fois plus élevé entre 64 et 79 ans (785 €), pour atteindre 1 075 € par an pour les patients-es de plus de 80 ans, soit un rapport de un à huit. Si les dépenses moyennes restent voisines jusqu’à 65 ans, l’écart se creuse entre les hommes et les femmes avec l’âge. À partir de 65 ans, les dépenses s’accroissent plus fortement chez les hommes que chez les femmes, alors même que le nombre de boîtes de médicaments remboursées est équivalent. Entre 65 et 79 ans, une femme consomme en moyenne 75 boîtes de médicaments par an, pour un remboursement de 647 € par an. Un homme de cette tranche d’âge consomme un volume équivalent en nombre de boîtes, pour un remboursement annuel moyen plus élevé (944 €). Sur les tranches d’âge au-delà de 80 ans, une femme se voit prescrire 111 boîtes de médicaments par an pour un montant remboursé de 852 €, alors qu’un homme de cette même tranche d’âge en consomme 104 mais pour un remboursement annuel moyen de 1 432 €, soit un montant près de 70 % plus élevé. Ce n’est pas tant le nombre de médicaments délivrés qui explique cet écart de dépenses, mais davantage le type de maladies traitées, combiné au coût parfois élevé de certains traitements spécifiques.
Un point sur les génériques
« Moins chers que les médicaments de référence, mais avec une efficacité et une sécurité équivalentes, la prescription et le recours accrus aux médicaments génériques et biosimilaires constituent des leviers majeurs pour la maîtrise des dépenses, commente l’Assurance maladie. Dans un contexte de progression continue des montants remboursés, ils contribuent de manière décisive au financement et à l’équilibre du système. ». Ils 50 % moins chers en moyenne par rapport au médicament d’origine à la tombée du brevet en ville, les génériques permettent d’économiser environ 1,2 milliard d’euros par an. En France, la part des médicaments génériques dans le répertoire (taux de pénétration) atteint 92,7 % en décembre 2023 et dépasse ainsi, depuis 2020, le taux-cible de 90 % fixé par les pouvoirs publics. Parallèlement, le recours à la mention « Non substituable » - en hausse durant la décennie 2010 – a considérablement reculé : elle atteint seulement 2,6 % des prescriptions dans le répertoire des médicaments génériques en décembre 2023 contre 7,2 % en décembre 2019. Les médicaments génériques représentent environ 30 % des boîtes totales de médicaments vendues (contre une boite sur 20 en 2000, soit moins de 5 %).
Médicaments génériques et médicaments biosimilaires : quelles différences ?
Les médicaments génériques sont des médicaments développés à partir de molécules qui ont fait leurs preuves pendant au moins dix ans et dont les brevets sont tombés dans le domaine public. Pour être commercialisé, le médicament générique doit prouver sa bioéquivalence avec le médicament d’origine, ce qui garantit une efficacité et une sécurité d’emploi identiques à celles du médicament d’origine, et ce, quelles que soient les différences de présentation. Seuls peuvent différer les excipients donnant au médicament sa forme, sa couleur, son goût ; le principe actif et l’efficacité restent les mêmes. Les médicaments génériques sont aujourd’hui disponibles dans la plupart des classes thérapeutiques : médicaments du système cardiovasculaire, du système nerveux, anti-infectieux, antidiabétiques, antalgiques, anti-inflammatoires, anti glaucomateux, traitement du cancer, etc.
Un médicament biosimilaire est un médicament quasi-identique à un médicament biologique de référence dont le brevet est tombé dans le domaine public. La qualité, la sécurité et l’efficacité clinique des biosimilaires sont ainsi équivalentes à celles des médicaments biologiques de référence.
Le rapport des Français-es aux médicaments
Lorsque les Français-es consultent un-e médecin généraliste, plus de la moitié attend en priorité une prescription de médicaments (57 % la placent dans le top 3 des attentes). Ce niveau d’attente est surestimé par les médecins, dont 76 % la placent au top 3 ; et pour cause, une majorité des généralistes déclare ressentir une pression de la part des patients-es pour la prescription de médicament (82 %, dont 32 % souvent et 50 % parfois). Comparé aux pays voisins, le souhait de se voir prescrire des médicaments est nettement plus fort en France (57 % versus entre 29 % et 40 % pour les différents pays étudiés).
Neuf Français-es sur dix (86 %) et la quasi-totalité des médecins généralistes (98 %) considèrent que la consommation de médicaments est trop importante en France. Une opinion nettement plus présente dans l’Hexagone comparé aux autres pays européens dont les scores mesurés se situent entre sept et huit personnes sur dix, selon qu’il s’agisse du Royaume-Uni et des Pays-Bas, ou alors de l’Allemagne, de l’Espagne et de l’Italie. Corrélativement, 83 % des Français-ses se disent prêts-es à consommer moins de médicaments et quasiment la totalité des médecins à en prescrire moins (95 %).